Cet article parle de santé mentale : burn-out, dépression, anxiété généralisée et TDAH, à travers le prisme d'une exploration personnelle. Mon parcours se situe de l’autre côté des soignants : je suis la patiente. C’est à dire, sans autre compétence que de réfléchir à son expérience unique.
Si vous vous sentez épuisé(e),
que vous luttez contre la charge mentale
et que tout semble trop lourd,
vous n’êtes pas seul(e).
Mon père dit toujours que Mars, c'est le mois de fous. Pourtant, ma fille et ma sœur sont nées ce mois là, et elles sont loin d’être folles. Moi, en revanche, j’ai passé des années à me demander si, au fond, je ne l’étais pas un peu. Ma plus grande crainte était de le devenir.
Spoiler ::se poser la question, c'est au contraire un indicateur de bonne santé mentale.
Pour avancer correctement, je pose les fondations :
Il est important de garder en tête qu'au moment où je tombe, je suis parfaitement heureuse. Je viens d’emménager avec l’homme de ma vie, notre famille à 6 est un pur bonheur et mon cadre de vie est agréable. J’ai le refuge des bras des gens que j’aime, la chance de pouvoir travailler chez moi et d’adapter mon temps. Je m’estime bien plus que chanceuse.
Pourquoi je le précise ?
Parce que tout va arriver sans justification. Il n'existe pas d’échelle de souffrance, mais j’aimerai avoir une pensée pour ceux et celles qui se débattent sans avoir un minimum de supports offrant des espaces de sécurité. Contre toute attente, ce que vous avez potentiellement en plus, c'est de ne pas pouvoir vous permettre de tomber.

(Dessin selon mes indications par Chat GPT : le repos sain.)
Tomber en dépression sans le comprendre
J’ai longtemps fonctionné en mode force. En pilote automatique. Une accumulation de travail, de charge mentale, de responsabilités et d’attentes des autres à satisfaire. Avec 100 onglets ouverts, l'ordinateur rame. J’encaisse sans lâcher.
Non, je mens. Je lâche tellement souvent que c’est chronique.
Ça arrive sans cesse, depuis l’enfance. J'ai une petite résistance nerveuse. Plus faible que la moyenne. Mais rapidement, encore et encore, je remonte en selle. Ni vu, ni connu.
Jusqu’à ce que mon corps et mon esprit disent stop. La première fois, à 25 ans. À 35 ans, la seconde. Et paf, cette fois, 45 ans. En y repensant, ma quinzaine, c’était bien chargé aussi. Peut être la faute de ma 5ème année ? Oui, ça semble faire sens, aujourd'hui.
Le burn-out n’arrive pas en une nuit.
Les premiers signes ? Je les ignore. Bien sûr que je les ignore. C’est insidieux. Une fatigue qui s’accumule, la sensation de courir sans jamais atteindre l’arrivée.
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La fatigue qui ne passe jamais, même après une nuit de sommeil. Nuit de sommeil ? Vraiment ? Mouais. Plutôt une lutte incompréhensible contre le lui. La procrastination de vengeance : la nuit, je rattrape tout ce que j’aurai voulu le faire le jour.
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Le brouillard mental qui empêche de penser clairement. Il épuise tellement que je n’ai qu’une envie : m’allonger et disparaître dans le silence et la torpeur.
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Les oublis et les fautes d’attention dans mon travail se multiplient. Les délais des créations s’allongent démesurément. Alors qu'en vrai, elles sont prêtes, vos commandes ! Bien emballées dans leur petit colis. Mais je ne trouve pas la force de sortir de chez moi. Un jour, deux jours, une semaine, trois, un mois. Le poids de la culpabilité va avec.
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Les négociations contre soi-même. La douche au gant de toilette. L’eau de rose à la place du jet d’eau sur le visage. "Allé, juste ça et après tu te reposes ...". Une tâche supplémentaire sur le planning ? C’est encore trop. Tout est trop.
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Ce manque d’envie qui colle ma peau. Tiens, plus rien n’éveille mes papilles. Rien n'apporte de kiff. Difficile quand tu aimes passionnément ce que tu fais. Incompréhensible quand tu as tout pour être heureuse.
Et pourtant, dans mon cas, c’est étroitement lié. L’amour. Le couple. La sécurité.
C’est dur de regarder par là sans avoir peur de tout remettre en question. Impensable encore de l'imaginer : je suis entrain de m'écrouler parce que j'ai enfin assez de sécurité pour que tout puisse déborder.
Comment c'est possible ? ça devient encore plus fort. L’impression d’être une coquille vide. Je pleure pour rien. Tout fait mal. Tout demande trop d’efforts. Et pourtant, je continue. Parce que c’est ce qu’on fait, non ?

(La propreté)
La dépression : quand tout devient gris
Il y a une différence entre être triste et être en dépression :
être triste, c’est ressentir une émotion,
être en dépression, c’est ne plus rien ressentir du tout.
Quand je repense à cette période, ce n’est pas la douleur qui me revient en tête : c’est l’absence d’élan, d’énergie, d’émotions. L’avenir s’efface, remplacé par un vide étrange et pesant.
Les choses aimées avant n’ont plus aucun goût. Créer ? Trop fatiguant. Lire ? Impossible de me concentrer. Manger ? Boire ? Juste une obligation mécanique.
Je m’accroche à ma raison. Puisque vivre devient trop éreintant, j’élabore un concept où le monde réel me retient : je me lève pour les miens. Mon peu de capital énergie est dédié à maintenir un semblant d'équilibre. J'utilise ma culpabilité croissante comme un levier pour sortir du lit.
Mais toujours, il y a cette voix. Cette foutue voix intérieure qui répète en boucle :
« T’es finie. T'es vidée. »
« T’as plus rien à donner. »
« Tu n’as plus la force de tenir debout. »
C’est comme oublier que le soleil existe.
Le pire dans la dépression, c’est qu’elle te fait croire que tu es seul.e, que personne ne peut comprendre, que rien ne s’améliorera jamais.
Cette fois, cette dépression là, je cherche plus loin. Fini le généraliste, je vois des médecins spécialistes, des psychologues. Globalement, j'avance. Pourtant, chaque fois que je me persuade que je suis sortie de l’eau, une autre vague me rattrape.
J’anticipe les suivantes. J'anticipe, j'anticipe, j'anticipe. Il faut tout prévoir, toutes les versions possibles ; ça prend des heures. Tadam ! Anxiété bonjour !

(Calme. Il s'égare vers le manga, ou je rêve ?)
L’anxiété généralisée : tout et rien à la fois.
Comme si le burn-out et la dépression ne suffisaient pas, je découvre l’anxiété généralisée. Oh, joie de vivre.
Un état de panique permanent, mais diffus, sournois, insaisissable. L’anxiété, ce n’est pas juste “être stressée”. C’est avoir le cœur qui s’emballe sans raison. L’impression qu’un danger invisible plane et menace en permanence. Les muscles en position de sécurité, bouclés. Sur-analyser tout, tout le temps. Le cerveau court un marathon.
"Et si j’oubliais un truc important ?”
“Et si cette conversation avait vexé quelqu’un ?”
“Et si demain tout s’écroule ?”
Le monde de l'après et de l'éco anxiété.
Une alerte constante qui finit par vider ce qu’il reste. Tout comme mon compte en banque qui s’effondre par shoots d'achats compulsifs.
Est-ce que j'ai tout le nécessaire pour que ma famille survivent à la fin du monde ? Oui, jusqu’à la pompe qui transforme l’eau de mer en eau douce. Je ne savais pas encore que ça porte un nom : l'éco anxiété.
- L'angoisse sourde, diffuse, constante, liée à l’état du monde.
- Les catastrophes climatiques et les guerres sans fin. Se sentir tellement impuissante.
- C’est se demander à quoi ressemblera le futur de nos enfants.
Je sais bien que c’est “juste un stress en plus”. Mais non. Cette peur est bien réelle, et elle s’ajoute à tout le reste. Elle ne paralyse pas forcément, mais elle pèse, alimente l’anxiété généralisée et crée une charge mentale supplémentaire.
Et puis il y a la culpabilité. Est-ce que je fais assez ? Est-ce que je consomme “correctement” ? Est-ce que mes choix ont du sens quand, en face, l’inaction des puissants semble écrasante ?
L’éco-anxiété, ce n’est pas juste “avoir peur du climat”. C’est ressentir dans son corps le poids d’un monde en crise, sans avoir les moyens de tout changer.
J’apprends à vivre avec. À transformer cette peur en action, quand c’est possible. À accepter que je ne peux pas tout porter. Mais ça reste là, en fond, un bruit permanent dans mon esprit déjà saturé.

(Amour de soi)
Le combo "attachement insécure + schémas récurrents" entre dans ma vie.
Et soudain, tout s’éclaire. (Non, je rigole.)
Toute ma vie, je fonctionne avec des schémas internes ancrés, et certains ne m’appartiennent même pas ! Mes réactions, mes peurs, mes relations aux autres sont en grande partie façonnées par des mécanismes ancrés depuis l’enfance. Des schémas inconscients qui se rejouent encore et encore, me poussant à reproduire des comportements qui me desservent, malgré moi.
- L’impression d’être de trop ou pas assez.
- L’angoisse permanente de l’abandon ou du rejet.
- L’autosabotage, qui me dit que ça ne marchera pas, de toute façon.
Je ne suis pas juste "trop sensible" ou "trop compliquée". Tout cela est le fruit d’un conditionnement émotionnel que je peux comprendre et déconstruire. Un long travail, mais une première étape essentielle vers la guérison.

(Soutien. Définitivement Juliette Je t'aime)
Chercher des réponses… Galérer à les trouver.
Cette fois, je cherche l'aide d'un psychiatre. Je le sens, quelque chose dysfonctionne depuis toujours. Jusqu'à présent, je le gère.
La différence avec avant, c’est que je n'arrive plus à compenser. On appelle ça, du masquage. Entrer dans les clous. Observer les gens pour se faire une idée de ce qui est bien ou pas. Enfiler tous un tas de costumes.
Le parcours du combattant :
Pour la première fois, je prends conscience que mes difficultés dépassent la norme. Particulièrement depuis une chute hormonale définitive, trois ans plus tôt (tout est lié).
Pas si simple d'obtenir autre chose qu’un traitement anxiolytique dupliqué sur tout le monde. La première psychiatre dit que je suis sagittaire, haut potentiel émotionnel et que je me pose bien trop de questions. Mouais.
5 séances plus loin, je coche trop de cases partout pour que le diagnostique d’être "juste émotive" soit honnête. Je cherche ailleurs. J’ai besoin de me comprendre enfin. C’est obsessionnel.
Une saine pulsion de vie, malgré tout.

(L'avenir)
La main au portefeuille : le bilan neuro psy
Et bien sûr, tout cela a un coût. Chaque consultation, chaque test, chaque suivi spécialisé… Prendre soin de sa santé mentale, c’est aussi une charge financière lourde, et tout le monde ne peut pas se le permettre. Cela demande bien souvent de gros sacrifices (c'est mon cas).
Je découvre enfin que mes nombreuses souffrances portent chacune un nom sympa : des troubles Dys en veux tu en voilà, mais surtout, un TDAH. Trouble de l’Attention avec ou sans Hyper activité, parfois simplifié par TDA (Trouble Déficitaire de l'Attention)
Mon cerveau ne marche pas comme les autres, et personne ne l’a vu avant.
Finalement, je ne manquais pas de volonté :
Je ne suis pas trop paresseuse, trop étourdie, trop émotive : je suis simplement incapable de réguler correctement mes humeurs et ma motivation. Hé, maman, tu vois, je ne faisais pas exprès de ne pas comprendre les maths. Hé, papa, je ne faisais pas exprès de me perdre partout. Je n’ai donc pas tout raté ?
J'ai plutôt tout réussi, MALGRE les difficultés. Je répète : je n’ai pas tout raté, j’ai tout réussi, malgré mon combo de difficultés.
Quand on met enfin un nom sur ce qui nous dévore, on arrête de se blâmer.
Mais dans cette libération, naît aussi la colère pour tant d’années et de possibles perdues. Il naît en moi l'envie furieuse d’entrer dans une case pour la première fois et la peur de rester coincée dedans. De me servir de "justifications faciles", comme le reprochent certains neurotypiques. Tiens, de dire des choses qui séparent, comme ça. Neurotypique VS neuro-atypique.
Bref, le TDAH sera l’objet du prochain sujet de cette série sur la santé mentale, vécue de l’intérieur.

(Lâcher prise. Evolution : c'est Heidi)
Remonter. Pas à pas.
On ne sort pas d’un burn-out, d’une dépression ou d’un trouble anxieux d’un seul coup, parce que quelqu'un a dit la bonne phrase. Ce n’est pas un déclic magique, mais un goutte à goutte qui remplit un vase.
C’est lent. C’est frustrant.
Il y a les jours où l’on croit aller mieux, suivis de rechutes brutales. Les larmes. Les doutes sur soi-même. Est-ce que je simule, me mens à moi-même ??! Les instants lucides, arides, répondent que non, c’est simplement la vérité. D'ailleurs, y a même plus la force de pleurer.
Ils sont juste des moments parmi l‘étendue des années disponibles.
Après avoir nagé comme je l'ai pu ces deux dernières années, je sèche encore au bord de l'eau, au soleil. J'ai remis mon pantalon, mon pull, enfilé mes chaussures et pris mon sac. Pourtant je ne quitte pas la plage.
Poser des limites.
Écouter son corps.
Identifier les schémas qui tirent vers le bas.
C’est un travail de fond, et il continue, encore aujourd’hui.

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Pourquoi je vous raconte ça ?
Parce que je sais que je ne suis pas seule. Parce que peut-être que toi qui lis, tu es en plein dedans. Parce que peut-être que toi aussi, tu crois que c’est ta faute. Que tu devrais juste “te bouger”. Les autres y arrivent bien, eux...
Je veux juste te dire : non, ce n’est pas ta faute. Tu n’es pas “trop” ou “pas assez”. Tu traverses quelque chose. Et ce quelque chose peut être compris, exploré, soigné.
En vrai, tu n’es pas cassé(e). Tu n’es pas cassé car la vie circule en toi.
Si ça te dit : partage moi ton parcours.
Pour dire "coucou, je suis là, ou je l'ai été". Pour te libérer de ton témoignage, anonyme ou pas. Parlons pour ne plus laisser le tabou s'installer. Mieux : pour aller chercher le cadeau qui vient avec l'histoire.

(Libérée. "Elle pose sa cape, je te dis !")
Alors, le mois de Mars est-il le mois des fous ?
Peut-être.
Mais si être fou, c’est apprendre à mieux se comprendre et à avancer différemment, alors j’accepte d’en être.
Le prochain article abordera plus en détail ma découverte du TDAH, des doutes et les des certitudes qui apparaissent au fur et à mesure de mes lectures. Maintenant que j’ai enfin des réponses, est-ce que ça change tout ?
Est-ce que je me sens mieux ? Ou est-ce que c’est juste une nouvelle bataille à mener ?
À la semaine prochaine !
Shirley
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