Ménopause et TDAH : quand la chute hormonale révèle la neurodivergence
Une prise de conscience tardive.
À 46 ans, je suis assise dans le cabinet d’une psychiatre. J’explique ma fatigue, ma confusion, mes crises de larmes incontrôlables, cette sensation d’être dépassée par tout ce que j’arrivais autrefois à maîtriser. Je parle du chaos mental qui m’envahit, de la perte totale de motivation et de ma difficulté à me concentrer.
Elle me sourit, indulgente, quand je lui parle de ce que je découvre sur TDAH. "Mais enfin, Chouchou, ce sont les enfants qui ont le TDAH ! Vous êtes trop émotionnelle, ajoute-t-elle."
Non pour le TDAH. Rien sur la ménopause. Juste une prescription d’anxiolytiques et une tape invisible sur l’épaule.
Il faut insister.
Il faut payer.
Il faut être crédible. Pas de “oui, c’est évident, madame, voici votre carte de membre”. Non, juste un système médical lent, sceptique, et surtout, peu formé à ces troubles chez l’adulte.

Comment prouver sa souffrance quand on a passé une vie entière à masquer ?
Je me moque de ce que j’ai, pourvu qu'on puisse me donner son nom.
Pour étoffer mon propre dossier, je passe un bilan neuropsychologique. Plusieurs heures de tests où je m’accroche et m’effondre tous les 3 exercices.
Les résultats parlent : TDAH, dyspraxie, dyscalculie, traces de dyslexie. Mon déficit de l’attention sévère est masqué par une intelligence verbale et émotionnelle élevée.
Bref, mon cerveau ne fonctionne pas comme les autres, et ce n'est pas grave, car il existe une explication à mes difficultés.
Personne ne remet en question son propre fonctionnement de manière légère. Il faut avoir échoué un nombre incalculable de fois, ressenti l’incompréhension, l’épuisement, la frustration et la culpabilité, pour arriver à cette question : et si ce n’était pas juste "moi" ?
C'est profondément étrange de demander un diagnostic à l’âge adulte. Je ne sais pas ce qui est le plus violent : l’apaisement de comprendre, ou la colère d’avoir été seule avec ça pendant toutes ces années.
-
Soulagement, parce que je ne suis pas paresseuse. Pas désorganisée par choix. Pas trop émotive "pour rien". C'était mon cerveau, depuis toujours.
-
Colère, parce que si quelqu'un l'avait vu plus tôt, j'aurais peut-être eu une enfance plus douce, une scolarité moins chaotique, une charge mentale plus légère. Des liens stables.

Pourquoi tant de femmes découvrent leur TDAH à la ménopause ?
Je n'ai jamais ressemblé aux petits garçons qui remuent tout le temps, ceux qui dérangent les grands. Au contraire, je suis une petite fille silencieuse, molle, inconstante, paresseuse et pleurnicharde. C'est que les grands disent de moi.
Moi, je suis juste très malheureuse d'être comme ça.
Pour entrer dans les clous dès l’enfance, les petites filles développent des stratégies de compensation puissantes. Elles seront "rêveuses", "désorganisées", "émotives", "garçons manqués", plutôt que concernées par un trouble réel. Ces petites filles grandissent en masquant leurs parts qui débordent de partout.
Grâce à l'énergie de ma jeunesse et la niaque d'être comme les autres, je poursuis mes efforts et les rattrape même ! Je gagne du terrain : je domine mes faiblesses, je canalise mes émotions. Et ça marche !
Pendant des années, je compense. Je tombe chroniquement, ok, mais je remonte vite en selle. Comme beaucoup de femmes neurodivergentes, je développe des stratégies de camouflage :
-
Hypercontrôle et perfectionnisme pour masquer les oublis.
-
Routines rigides et listes infinies pour compenser l’inattention.
-
Charge mentale écrasante pour ne jamais être prise en défaut.
- Dépendance au stress pour stimuler ma dopamine.
Puis la quarantaine est arrivée, et avec elle, Surprise ! la ménopause précoce.
Tout ce système bancal a explosé. Les hormones chutent, et avec elles, la capacité à masquer, à compenser, à tenir debout. Parce que les œstrogènes et la dopamine sont intimement liés.
Je suis "une vieille précoce", en paix avec les choses de la vie, mais les bouffées de chaleurs s'effacent et laissent place à l'inattendue : je ne gère plus rien. Tout l'édifice de stabilité et de routines mises en place s'effondre comme mes hormones. Cette fois, le cheval et la selle sont trop loin pour les atteindre.
Quand je ne suis pas trop fatiguée, je marche à côté d'eux.

Ménopause et dopamine : le lien caché
Les œstrogènes ne sont pas juste des hormones sexuelles. Ce sont des régulateurs cognitifs majeurs, qui influencent :
- La mémoire et l'attention
- L'humeur et l'équilibre émotionnel
- Le sommeil, via la sérotonine
- La production de dopamine (le neurotransmetteur essentiel du TDAH)
-
Or, chez les personnes TDAH, il existe déjà un déficit dopaminergique.
- Quand les œstrogènes chutent, la dopamine s'effondre encore plus.
- Les symptômes du TDAH s'aggravent de manière exponentielle.
Vous voyez où je veux en venir.
Ce qui était "supportable" devient invivable : fatigue écrasante. Brouillard mental. Hyperémotivité soudaine. Oublis massifs, incapacité à planifier. Procrastination paralysante. Sensibilité exacerbée aux sons, lumières, odeurs. Le masque tombe.
Ce n’est pas que le TDAH "apparaît", c'est juste qu'il devient impossible à ignore.
Le plus ironique, c’est qu’évidement, un diagnostic, ça ne règle pas tout. Ça ne règle même rien, sauf que
vous avez moins d’argent et une connaissance plus riche de vous même.
Je suis toujours moi, avec mon cerveau à cent chemins, toujours en train de me noyer dans mille idées à la seconde, toujours incapable de suivre une routine sans exploser au bout de trois jours.
Il va falloir apprendre à composer avec.

1. Se faire accompagner
- Je consulte un neuropsychologue qui établit des bilans et un psychiatre spécialisé.
- Je n’ai pas établi de traitement hormonal substitutif, mais il est possible de le faire.
- Actuellement, je teste un traitement médicamenteux, la Ritaline (d’autres noms existent) mais il est trop tôt pour en tirer des conclusions.
- Je mets en place des thérapies cognitives et comportementales adaptées.
2. Adapter son mode de vie
- Priorité absolue au sommeil. Bon. Je fait ce qu’on peut.
- Alimentation riche en oméga-3, magnésium, fer.
- Boire, boire, boire (de l’eau).
- Planifier des mouvements quotidiens pour booster la dopamine. Et se féliciter du peu qu’on fait !
3. Réapprendre à fonctionner différemment
- J’accepte que mon cerveau ne réagisse plus comme avant.
- Je m’appuie sur de nouveaux outils (ex : planification adaptée).
- Je ne lutte plus contre moi-même.
Un nouveau départ ?
Si la ménopause est une période difficile, elle est aussi une opportunité de se comprendre enfin. Maintenant que cette vérité est mise en lumière, on peut enfin arrêter de se battre contre soi-même… et apprendre à avancer autrement.
La ménopause n'a pas détruit mon système, elle m'a forcée à arrêter de le cacher. Et maintenant, je vais apprendre à composer avec qui je suis, vraiment.
Pour finir cet article essentiel pour les femmes, parlons aussi de la pochette surprise qui nous compose bien souvent : les capacités multipotentielles qui accompagnent souvent le TDAH.

TDAH et multi-potentialité : le duo explosif
Si tu as un TDAH, il y a de fortes chances que tu sois aussi multipotentiel(le). Ou du moins, que ton cerveau fonctionne de manière similaire. Et ça, c’est VRAIMENT cool.
Les forces :
• Une capacité d’apprentissage rapide et une curiosité infinie.
• Une pensée transversale (connecter des idées que personne ne relie).
• Une créativité et une innovation constantes.
• Une adaptabilité exceptionnelle.
Le TDAH est caractérisé par une difficulté à maintenir l’attention sur une seule chose, et en même temps, une tendance à l’hyper-focalisation sur ce qui passionne… Jusqu’à ce que l’intérêt s’éteigne et que l’envie de passer à autre chose prenne le dessus ! Hum hum.
Le multi potentiel explore, apprend et se passionne pour de nombreux sujets différents, parfois simultanément, parfois en vagues successives.
-
Un multi potentiel sans TDAH peut choisir de jongler entre plusieurs passions par plaisir.
-
Un TDAH multipotentiel n’a pas vraiment le choix : son cerveau fonctionne en mode “boulimie de savoir”, puis “saturation et abandon”.
Les défis sont donc :
-
Finir ce qu’on commence (on passe à la prochaine passion avant d’avoir abouti la précédente).
-
Avoir une seule voie claire. (Bon, 3, mais c'est tout.)
-
Exploiter sa procrastination. Une mine de temps a explorer !
- De refuser la culpabilité mais accueillir son autre type d’intelligence.

Je décide d’accepter mon mode de fonctionnement
Plutôt que de forcer une seule voie, je structure mes élans et j’utilise mes compétences comme un atout.
Le TDAH + la multi potentialité, c’est un cerveau qui voit le monde en mosaïque et qui peut exceller… à sa manière.
-
Le suivi psycho & corporel : kiné, neuro psy, thérapeutes (DMoka et autres spécialités). Ce suivi ne concerne pas spécifiquement le TDAH, mais m'aide considérablement à réguler mes émotions et m'en libérer.
-
Revoir tout mon système d’organisation : dans mon agenda souffle 2025, j’ai mis en place le système des post it qui fonctionne tellement mieux. Une astuce pépite pour cerveau TDAH (et tous les autres galériens de l’organisation) : les post it dans l’agenda.
1. Fixer d’abord à l'encre tout ce qui ne peut être déplacé sur l’agenda (RDV, etc.). Une couleur par thème, pour le repérer avec facilité. J’utilise la To do list et les priorités que j'ai écrit pour lister ma semaine idéale.
2. C’est le moment de sortir les post it pour reprendre par tâches combinées !
Par exemple : coudre la collection des mini shopping. Ok, je note dessus : découper / encoller / coudre / sertir. Je Checks, ça me motive.
3. Disons que mardi, mon mood soit en bas, ou que la relecture de Racines m’attire davantage : alors je déplace, j'échange, je reporte les post it de mardi et de jeudi.
- Je me libère l’esprit au lieu de procrastiner parce que j’ai trop de trucs à faire.
- Je joue avec mes pics de dopamines plutôt que les affronter.
- Je retiens que la culpabilité de la liste du jour "pas rayée" n'est d'aucune utilité.
Évidemment, ééééévidement, si votre planning manque de flexibilité, utilisez les post it pour le ménage, les loisirs et la vie privée. C'est un premier pas intéressant.
L’évolution du nombre de TDAH explose et on s'interroge :
Qui n’oublie pas sa tête, de temps à autre ? Qui n’éprouve pas d’émotions renversantes ? Qui n’est pas fatigué après une nuit de sommeil ?
Les divergences sont elles une mode ?
Non. Mais un mot sur nos difficultés. Une meilleure prise en charge. J’aime comparer le TDAH avec une tarte à la cerise : ce n’est pas parce vous en faites incroyablement bien tous les 15 jours que cela fait de vous un pâtissier. Je la cuisine plusieurs fois par jour, et je m’en passerais bien !
Dans le prochain article, nous aborderons la théorie des schémas mis en place dans l'enfance, et des liens d'attachements sécures et insécures.
Prenez soin de vous.
Shirley.
