C'est avec un grand bonheur que j'ai le privilège d'interviewer Gaëlle, marchande de (vraie) magie dans une petite boutique située à Nancy.
Lorsque j'ai découvert son travail artistique sur Internet (ici) il y a plus de 6 ans, sa boutique me semblait être un repère de fée ou de merveilleuse sorcière, pleine de potions magiques, de petits sachets de poudre de perlimpinpin et de boites pleines de mystère. Elle jouait avec les mots, les objets minuscules et les paillettes. J'ai aimé profondément lire chaque mot utilisé pour nous parler de ses créations.
Gaëlle a placé dans mon coeur une dose de bonheur. Je redécouvrais la magie, tout simplement. Je vous propose de découvrir son univers, ses conseils et sa baguette magique <3
Graine de Carrosse
Le magasin de mots 21 rue de la Source 54000 Nancy
Bonjour Gaëlle !
D'où est venue cette envie de transformer de petites choses
banales à première vue en petit message pour le monde ?
Tu as des heures devant toi ? Je vais essayer d’être synthétique mais ce n’est pas mon fort.
Je pense que je peux situer le germe de cette idée à un moment précis : ma maman étant bibliothécaire jeunesse, elle organisait régulièrement des expositions dont une sur les Fées. Dans une vitrine, elle avait placé des Graines de Tournesol, saupoudrées de paillettes fines argentées. Et à côté, elle avait mis une étiquette avec écrit dessus « Graine de Carrosse ». C’était inspiré du "Magasin Zinzin" de Frédéric Clément (livre magique et poétique). Je suis restée bloquée dessus.
Je n’étais pas enfant hein. J’avais une vingtaine d’année… Mais ce petit rien, m’évoquait un grand tout. Ça faisait exister la MAGIE des contes de fées. Ça devait être un peu vrai, puisque je l’avais devant les yeux. En tout cas si ça ne l’était pas, on pouvait le faire exister en le fabricant.
Comment réussis-tu à voir dans des petites pâtes alphabet ou des graines à semer une formule magique pour faire sourire ?
En fait, ça marche dans les deux sens. Je peux partir d’une forte envie de dire quelque chose au monde (joie à partager, colère, indignation) et chercher l’objet qui concrétisera le plus justement cette idée, ou à l’inverse tomber sur un objet
qui enchante l’enfant que je suis encore, et vouloir jouer avec. Me l’approprier. Comme je le disais dans ma réponse d’avant, pour moi faire de la magie "c’est transformer quelque chose en autre chose juste en l’appelant autrement".
Un vieux téléphone peut être un vieux téléphone ou une machine à voyager dans le temps, une boîte en carton peut devenir une voiture, un avion... Je crois que je fais ça en m’amusant, en jouant depuis que j’ai retrouvé mon cœur d’enfant.
Cette créativité est ton trésor, comment la nourris-tu ?
AH la question de la créativité …
En fait c’est comme tout. Comme les muscles, l’optimisme, les orgasmes ... Plus tu pratiques plus ça se développe. Mais la relation n’est pas simple. Comme toutes les relations. Quand j’ai commencé mon projet, j’étais tellement frustrée par mon taf que je débordais de créativité. Mais j’ai aussi vu ce que ça fait de faire peser le poids du financier dessus, quand j’ai quitté mon travail de bibliothécaire dans la Fonction Publique (oui, oui comme ma mère, cher Freud si tu me lis…).
Les deux premières années à ne faire que ça ont été très dures pour ma créativité. Je continuais à inventer des choses quand même. Si je regarde ce que j’ai fabriqué pendant ces deux années, j’inventais quand même des trucs, mais je ne sais pas comment expliquer…
J’inventais sans l’étincelle. Il FALLAIT que je crée ! Puis j’ai lu le livre « BIG MAGIC » d’Elisabeth Gilbert que je recommande à tous les créatifs.
En France, le livre s'appelle "Libérez votre créativité".
Merci Gaëlle, je viens de le commencer et je confirme sa puissance !
EDIT
Je me suis trompée d'image de livre :) Si je vous recommande +++ le premier, Gaëlle nous parlait bien de celui-ci !
Comme par magie, d'Elizabeth Gilbert
Je me suis dit qu’il fallait que je me recrée un espace de liberté dans ma créativité. Un endroit GRATUIT, ou je pourrais créer sans me demander si ça va se vendre, si je perds mon temps. Le pur plaisir de fabriquer. Du coup, j’écris, juste pour moi et je fabrique des mini-maisons en ce moment. Tout le monde me demande pourquoi faire, mais je n’en ai aucune idée. Juste pour moi. Pour "que l’inspiration quand elle viendra, me trouve occupée" comme disait Picasso.
En prêtant attention à ton travail, on peut y voir à la fois un esprit rebelle et une âme d'enfant. C'est un défi de taille dans une société qui nous pousse au conformisme et à quitter ses souliers d'enfant au plus vite. Le terreau de ton inspiration vient-il de ton enfance ?
Oui et NON.
Il vient de mon retour à mon enfance. Avoir réparé mon enfant blessé en faisant de l’hypnose humaniste. Avoir pris conscience que je peux arrêter d’en vouloir à mes parents de ce qu’ils ne m’ont pas donné, pour me réparer toute seule comme une grande.
Je crois que je n’ai pas eu une enfance très jolie, même si je savais bien rassurer les adultes sur les manques créés par leur incapacité à se gérer eux-mêmes. J’observais beaucoup les gens, les adultes, leurs comportements, leurs contradictions, leurs mensonges aux autres et SURTOUT à eux-mêmes.
Je me suis toujours posée ÉNORMÉMENT de questions, tout le temps, sur tout.
J’ai mené mon petit chemin, je suis arrivée à l’âge adulte. J’ai eu le cœur brisé. Un énorme chagrin d’amour (mais n’est-ce pas toujours le cas ?) et je me suis lancée dans cette vie qu’il semblait falloir avoir. Parce qu’il fallait bien continuer à avancer, même sans lui pour me regarder.
Comme nous tous un peu dans notre « première » vie, celle qu’on n’a pas vraiment choisie, j’ai eu un travail en CDI à vie comme fonctionnaire, un appartement, des trucs d’adulte à payer, des crédits à la consommation, bla bla bla. Mais au fond de moi une forme de révolte grondait et me rendait malheureuse en permanence.
J’étais en colère contre moi et avant de l’avoir compris, contre la terre entière. J’étais une langue de pute, une adulte moche. Et plus ça avançait, plus je me résolvais, plus je devenais moche dans ma tête.
J’ai rencontré mon amoureux, le père de ma fille. J’ai découvert ce que ça voulait dire d’aimer vraiment. Et d’être aimée. J’ai eu ma fille et soudain j’ai trouvé absurde d’aller travailler tous les jours dans un endroit où on m’expliquait que c’était super, ma créativité, mais que pour le reste, je pouvais garder mes avis et mes révoltes sur les façons de fonctionner de ce système vérolé.
Je me suis dit que ce n’était pas ça que je voulais apprendre
à ma fille. Je voulais être une adulte qui lui fasse envie.
Depuis j’y travaille.
Comment as-tu réussi à concilier ces deux vies ? Car c'est parfois compliqué ou fatigant d'avoir un emploi, de créer sur son temps libre, tout en ayant une vie de famille.
J’ai réussi parce que mon projet au départ, je ne l’ai pas construit en me disant que j’allais quitter la Fonction Publique grâce à lui.
Je voulais JUSTE respirer. Trouver un endroit où je me sentirais valoriser dans ce que je proposais. J’avais aussi à vérifier quelques intuitions que j’avais sur le monde, mais que mon taff alimentaire ne me permettait pas de tester.
Par exemple je crois fort que la vie est belle. Mais vraiment. Que si on confiance aux gens souvent ils s’en montrent dignes. Quand ma fille est née, j’ai eu droit à un temps partiel de droit à 80%. Je gardais ma fille à la maison
le lundi ; le mardi je mettais ma culpabilité de côté et ma fille à la crèche alors que je ne « travaillais » pas, pour faire avancer mon projet. Je travaillais du mercredi au samedi à la Médiathèque.
Officiellement je consacrais donc un jour par semaine à mon entreprise. Officieusement, je passais beaucoup de temps sur Internet sur mon lieu de travail puisque j’attendais les lecteurs à la Banque de prêt, donc j’ai passé beaucoup, beaucoup de temps à faire des recherches sur Internet, à chercher des gens qui m’inspiraient (comme toi !). Des idées. A me former comme entrepreneur.
En vrai, je pensais Graine de Carrosse, je dormais Graine de Carrosse, tout mon temps de cerveau y était consacré.
As-tu trouvé facilement un équilibre pour que toutes vies s'accordent ?
AH AH AH, ça va mieux merci.
Mais je dirais que le principe de l’équilibre c’est d’osciller entre point de stabilité et secousses. Je crois que je commence à en prendre mon parti. En tout cas après avoir perdu beaucoup de temps et d’énergie à faire comme il faudrait (d’après les autres) quand on a une entreprise, j’ai décidé d’adapter mon entreprise à mes besoins et plus l’inverse. Je me dégage du temps pour en passer avec ma fille. Parce que je lui ai « volé » du temps quand elle était petite pour développer mon projet.
Et comme la vie passe dans un claquement de doigt depuis que je suis ma propre route, je ne veux pas avoir de regrets. Mais j’ai aussi énormément besoin de Graine de Carrosse. C’est mon espace de respiration, de liberté.
Ou puises-tu ton inspiration et ta créativité ?
Bah partout. Tout est une question de regard et ma mère m’a appris ça. A regarder. On pouvait passer des heures assises en ville à regarder les gens passer. Lever le nez dans les rue qu’on connaissait pour voir autrement. Aller au Musée.
Mes études en Arts Plastiques aussi m’ont appris ça. A changer de point de vue. A s’éloigner, à reculer pour voir l’ensemble. Le chemin des autres m’inspire beaucoup. Pas ce qu’ils font, mais comment ils se donnent les moyens de le faire. Je suis triste quand je vois des créateurs qui copient le travail d’autres
créateurs, parce que je crois qu’on a tous quelque chose de particulier à mettre dans le monde, mais je crois aussi que ça demande de se bousculer. De sortir des chemins tous tracés. Mais ça tout le monde n’est pas prêt à le faire.
Il y a une phrase que je trouve assez juste c’est « Raconter sa vision du monde avec son art ». C’est ce que j’essaye de faire. Le monde ne me plaît pas tel qu’il est alors à ma façon, j’essaye de le changer en faisant exister des choses qui n’y étaient pas et dont j’ai besoin. Comme des Graines de Bonheur, des Graines de Mots gentils. Des baguettes magiques vraiment magiques.
Certains pensent qu'elles sont directement dans l'humain,
dans son cerveau et son coeur, d'autres qu'elles nous sont offertes lorsqu'on se branche aux vibrations qui "flottent
dans l'air", quand penses-tu ?
Je pense que c’est le mix exact de ces deux propositions.
Je pense que tout est là, qu’on a le choix de l’activer ou pas. Quel que soit son milieu culturel. Je crois qu’on peut trouver des moyens ou des excuses, c’est au choix. Certain passeront leur vie à déplorer de ne pas avoir ci ou ça, d’autres décideront de l’activer - NO MATTER WHAT.
J’ai pris cette option. Mais je crois que si tu ne te tiens pas disponible pour une idée, c’est possible qu’un autre que toi l’attrape et la développe.
Il y a quelques années, tu as sauté le pas et ouvert "Le magasin des mots" sur Nancy. Une décision forte, puisque tu as quitté ton emploi pour voler de tes propres ailes. Qu'est-ce qui a provoqué ce déclic ? J'aime bien parler "d'une étincelle" qui change un rêve en projet concret.
MOI PAS ! Il ne s’agit pas d’un déclic.
C’est trop facile de penser que ça existe et un tas de gens viennent me voir pour connaitre le bouton magique sur lequel j’ai appuyé pour avoir le « COURAGE » de passer le pas. Et bien désolée de vous décevoir de mon point de vue, il n’y en n’a pas. J’ai même écrit un livre ou je détaille le chemin : "Réaliser son rêve, mode d'emploi" (Gaëlle Chauveaux, Ndr)
Disponible ici
J’ai écrit le livre que j’aurais voulu lire quand j’avais besoin d’éléments pour me rassurer sur le choix que je faisais. Mais en vrai, j’ai eu peur. Tout le temps et c’est encore parfois le cas, même si la peur est moins présente en ce moment, parce que je suis allée trop loin pour pouvoir me retourner.
Pendant deux ans après l’ouverture du magasin de MOTS, je crois qu’il n’y a pas une journée où je ne me suis pas dit que j’allais arrêter. Retourner dans la
Fonction Publique. Mais comme après mon chagrin d’amour, je me suis dit que chaque minute était une minute de gagnée. Même si je ne savais pas vraiment où j’allais, je savais où je ne voulais plus aller.
Et il ne faut pas minimiser la capacité des cons (Ok … disons : des gens tristes et aigris) à t’aider ! A chaque fois que je reculais de deux pas à l’idée de sauter de la falaise, mes anciens employeurs étaient suffisamment cons avec moi, pour que je me dise « NON, ce n’est plus possible de rester ». Du coup, je peux les remercier. C’est un peu grâce à eux.
Puis j’ai aussi rencontré mon ami Nac’Imagine de la Rafistolerie (que l'on retrouve ici). Il avait aussi été fonctionnaire. Il s’était cassé. Sans autre raison que le côté insupportable de ce système. J’avais désespérément cherché sur internet des témoignages de gens qui auraient quitté la Fonction Publique à cause de la Fonction publique. Je n’avais pas trouvé et soudain, je me retrouve à boire un thé avec ce Bon gros géant, qui me dit « MOI JE l’AI fait. Vas-y, lance toi. Même si j’en chie, je n’ai jamais regretté ».
Les belles illustrations de Nac'Imagine
Du coup, tu vois il n’y pas une réponse simple. Il y a plein de petites choses qui mises bout à bout m’ont amené, pas à pas, au bord de la falaise. Avec tout le matériel pour construire mon avion. Mais en sachant que je ne pourrais le construire qu’une fois que j’aurais sauté.
Je trouve que cette image représente bien ce que c’est de devenir entrepreneur. Avec la théorie de l’étincelle les gens peuvent se défausser. Attendre le miracle. Alors que le miracle, il faut le provoquer. Pour ça, il y a un MOT pas secret ça s’appelle TRAVAILLER. Chaque jour sans relâche.
C’est comme quand on me dit « Tu as de la chance de faire ce que tu fais ». DE LA CHANCE ??? Sérieux ? J’ai travaillé à ce qui m’est arrivé. POINT. Je n’étais pas doué de capacité particulière pour le faire.
Je me doute que tu as dû affronter les peurs, les tiennes mais aussi celles de tes proches. Comment les as-tu fait taire ?
Les miennes je ne l’ai fait surtout pas taire ! Elles existent et il y a une raison. Elles peuvent m’indiquer ce vers quoi j’ai envie d’aller. J’ai appris à ne plus les
prendre comme des ennemies (comme les maladies), elles sont justes des indicateurs. Grâce à l’hypnose Humaniste, encore une fois, j’ai appris à aller voir mon inconscient pour comprendre ce que me disent ces peurs. Elles m’ont parfois
sauvé la mise, et éviter des collaborations hasardeuses ou des choix pourris. Quand tu pars du principe que ton inconscient veut le meilleur pour toi, même tes peurs finissent par faire partie de toi. Je ne me bats plus contre. Quand elles sont là, je les regarde en face et je leur demande ce qu’elles veulent.
J’ai aussi appris que la peur de la peur les rend souvent plus grandes que ce qu’elles sont, quand on les affronte.
Pour les peurs de mes proches, la création d’une entreprise est un très bon moyen d’apprendre à les distinguer. J’ai dû très rapidement faire la part entre mes peurs à moi et celles qui ne m’appartenaient pas. Alors quand c’est comme ça, je leur rends. Je le dis gentiment, mais je les renvoie à eux-mêmes, en leur disant que cette peur-là ne m’appartient pas.
Qu'est-ce qui t'as fait tenir dans les moments plus compliqués, comme les démarches administratives ou les simples moments de doute ?
Les SIMPLES moments de DOUTE, ce n’est pas simple. C’est ÉNORME. Le Doute, c’est terrible. Surtout quand tu te mets à douter de ta capacité à prendre les bonnes décisions pour toi. MAIS ce qui me sauve par rapport à ça, c’est cette petite phrase de ma mère « ECOUTE ta petite voix ».
J’ai mis longtemps à m’en rappeler, mais au fond ON SAIT. Ce qui m’a permis de l’écouter, c’est d’arrêter de me noyer dans le bruit des autres. Je suis introvertie. Ce qui ne signifie pas « timide », ce qui signifie que j’ai besoin de 90% de temps seule avec moi-même pour interagir correctement. Et 10% du temps, avec d’autres êtres humains. En me mettant à respecter ce trait de ma personnalité, grâce à mon entreprise et au fait, que j’ai repris la main sur mon emploi du temps, au sens littéral, j’ai à nouveau pu écouter cette petite voix.
Et si je me fie à mon ressenti et pas à la raison, et bien je finis toujours par faire le bon choix.
As-tu mis en place une méthodologie, une organisation, un planning ?
J’ai tout essayé, je pense. Planners, méthode miracles, livre de Développement personnel, coach mon Q, médium, magnétiseurs. Mais j’ai aussi compris que dans la vie le seul truc prévisible c’est qu’on ne peut pas tout prévoir.
Pour moi une semaine réussie dans mon agenda et une semaine allégée au minimum en rendez-vous. Des jours vides, où je vais pouvoir faire ce que je veux. J’ai eu une idée pendant la nuit et aujourd’hui je n’ai rien de prévu, pas de rendez-vous, pas de commande à livrer, donc je peux la fabriquer tout de suite. Et
je tends vers ça de plus en plus.
Côté organisation, j’ai un agenda papier, un cahier d’écolier dans lequel je note mes commandes au fur et à mesure qu’elles arrivent. Une fois que c’est fait, je stabilote. POINT.
Mon gros mot préféré !
As-tu osé demander de l'aide extérieure ?
OUI. Après deux ans à merder plein pot, j’ai enfin trouvé ce que je cherchais.
J’étais en train de m’enterrer, j’avais un local trop cher et vétuste. Je n’arrivais pas à me payer, ni à payer mes charges au RSI et ma dette s’accumulait. ATTENTION hein, je ne fais pas partie des entrepreneurs qui chantent la complainte du RSI. J’ai très vite pris conscience que les salariés aussi payent des charges pour travailler, sauf que c’est leur patron qui paye pour eux. Mais je trouve normal de cotiser.
J’ai intégré une Coopérative d’entrepreneurs militants
en mai 2018.
Synercoop. http://synercoop.org/
Ce n’est pas une simple coopérative. C’est un nid d’explorateurs du Merveilleux. La plupart sont des gens comme moi. Ils ont essayé la voix normale et ne s’y sont pas retrouvés. Ils ont donc décidé d’inventer leur métier. De changer le monde.
Le principe de cette coopérative, c’est une ENTREPRISE constituée de 100
petites entreprises. On est tous collègues, chacun avec son activité. La gérante qui l’a inventé voulait juste vérifier une idée à elle, celle qu’on peut être heureux au travail. Mais tous ensemble on a créé un outil qui nous permet de nous salarier de notre activité. On est Entrepreneur Salariés Associés. Toute la liberté de l’entrepreneur, avec la sécurité(relative puisque c’est toi qui génère l’argent de ton propre salaire) du salariat.
Depuis un an, je ne me suis pas rémunérée du tout et je vis au crochet de mon mec (ce qui très honnêtement, n’était pas un de mes objectifs de vie) mais je
suis en train de sortir la tête de l’eau et je signe mon CDI avec moi-même ce mois-ci ! YOUPI.
Comment aimerais-tu nous présenter ton magasin, ce lieu où
tout devient possible ? Parle-nous de lui comme tu parlerais
de ton amoureux !
Comme de mon amoureux, t’es sûre ? Ok (Gaëlle, je garde cette note d'humour, tant pis pour toi :p ).
Le Magasin de mots, c’est une fabrique de MOTS magiques. J’ai voulu créer un lieu comme dans les histoires pour enfant. Un Magasin où on achète des choses qui ne s’achètent pas. Quand tu viens au Magasin de MOTS tu ne sais pas ce que tu viens chercher mais quand tu le vois, tu sais que c’est ça dont tu
avais besoin.
Il y a eu une première version du Magasin de Mots qui m’a presque totalement échappée. Je vis actuellement la deuxième version du Magasin de MOTS, puisque j’ai changé de local il y a un an. Il est mieux ajusté à ce que je suis. Mais
il a encore vocation à évoluer. A cette heure-ci, la seule chose que je sais, c’est qu’il faut que je le fasse exister en vrai. Parce qu’il y a l’idée abstraite d’un Magasin de MOTS et un VRAI lieu dans lequel tu peux entrer. Dont tu peux pousser la porte.
Le Magasin de Mots, c’est une quincaillerie du cœur.
J’y vends mes MOTS à moi et les MOTS d’autres créateurs pour qui j’ai eu un vrai coup de cœur, et dont j’aime la façon de dire le monde.
Quelle ambiance a cet univers si unique ?
Il est dans une jolie rue pavée de Nancy. C’est le seul magasin de la rue, il
est à côté d’une laverie. Quand on rentre dedans, il y a un grelot qui tintinnabule, ça sent le bois, et un peu les solvants…
C’est un tout petit magasin de 37 m2. Avec la partie boutique devant, et mon atelier d’imprimerie typographique au fond. Si tu pousses la porte, je te laisserai t’imprégner du calme du lieu. Je te dirai de prendre ton temps et de me
demander si tu as des questions.
Moi je continuerai à travailler au fond et quand tu auras fait le tour, lu les mots
qui te parlent sur les cartes, les badges, les murs, on discutera un peu au comptoir : de toi, de tes rêves, de ce qui t’as poussé à pousser la porte et de ce que tu souhaites de meilleur pour toi.
Et quand les gens repartent, ils me disent « MERCI d’exister », « CONTINUEZ ». Tu te rends compte ? T’en connais beaucoup des magasins, ou mêmes des métiers où on te dit ça ? Moi, je reste là, un sourire aux lèvres, le cœur regonflé, confortée dans mon idée que quand on regarde les gens en leur disant qu’ils sont beaux et bien, c’est ce qui finit par arriver.
Qu'aimerais-tu apporter ou changer dans le monde par tes
petits objets uniques ?
J’essaye de semer des GRAINES de POSSIBLES. Mais je ne sais pas vraiment pourquoi, ni comment je le fais. Je le fais, c’est tout. J’essaye déjà de changer
le mien, de monde et en faisant ça, je crois que ça raisonne chez les autres êtres humains.
Avec ce que je créé, j’essaye de faire gagner du temps aux gens. De les rappeler à eux-mêmes. Le VRAI eux-mêmes. Pas le JOLI COSTUME que la société leur a donné. NON, à eux. La petite fille, le petit garçon qui rêvait. Qui croyait que tout est possible. J’essaye de lui dire que, c’est encore vrai. Qu’il suffit d’y croire et d’y travailler. Comme je le dis sous forme d’objet, ils ne peuvent pas dire que ça n’existe pas. Puisqu’ils peuvent le tenir dans leur main.
Aujourd'hui, comment se passe ta vie de commerçante, de
femme et de mère ? Comment jongles-tu avec ton équilibre ?
BRRRRRR Commerçante j’ai horreur de ce mot.
Enfin pour moi. Je ne suis pas « commerçante ». Je suis Marchande de MOTS. Ce n’est pas tout à fait pareil. J’ouvre mon magasin trois demis-journées par semaine du jeudi au samedi l’après-midi. Le reste du temps, je le prends justement le temps.
Je viens travailler au Magasin, mais le rideau est baissé et c’est du temps à moi, pour moi. Pour créer sans être dérangée. Ni avoir à parler. Ces jour-là, je peux sortir tôt et aller chercher ma fille à 16h30 à l’école. Ça m’arrive de re-bosser chez moi la partie Internet de mon travail après le goûter. Si c’est un jour sans, je fais autre chose. C’est dans ces moment-là que les idées viennent.
Si c’est un jour sans, je vais à la Médiathèque. Ou marcher. Ou nager.
Quant-à ma vie de femme elle est bousculée. Il ne faut pas négliger le poids du manque d’argent sur un couple. Puis j’ai pris goût à la liberté. J’ai appris à savoir qui je suis. A m’aimer. J’ai de moins en moins envie que n’importe qui et encore moins mon mec, vienne m’expliquer que je ne fais pas les choses « comme il faut ».
Seulement, je lui dois l’existence et la poursuite de mon projet. Donc ma vie de femme, je dirais qu’elle est en train d’évoluer.
As-tu des projets dont tu peux nous parler pour le magasin
comme pour ta vie ?
J’en ai un tas. Et pas du tout, en même temps car j’ai appris ces dernières années que les choses se passent rarement comme on l’a programmé.
Je voudrais un endroit à moi où je me sentirais en sécurité. Et peut-être retrouver un atelier entièrement fermé. Juste pour moi. J’ai besoin de nature aussi. J’ai envie de pouvoir sortir marcher, sans prendre la voiture, d’aller mettre mes pieds dans l’eau et regarder les arbres pousser. J’aspire à la paix, à plus de sérénité. Mais je ne sais pas encore quelle forme je vais lui donner.
Je veux continuer à faire ce que je fais, même si ça prendra peut-être des formes différentes au fil des années. J’espère même que ça prendra des formes différentes.
Je voudrais beaucoup plus de solitude. Lire, lire, lire. Aimé encore et être aimée comme je suis, avec ce que j’ai évolué. Et RIRE, RIRE, ET JOUIR. Parce qu’il n’y a que ça de vrai.
Je laisse venir ce qui vient. On verra bien.
Merci pour tes réponses pleine de sens et de sincérité !
MERCI à toi de me les avoir posées !
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